L'ouest de Sainte-Fontaine n'était pas la partie de la ville que Neven connaissait le mieux. Il s'y rendait surtout pour des raisons médicales, ou alors lors d'espaces libres pour contempler les grandes rues aérées, les diverses structures perdues entre un appel à l'ancien et au récent qui faisait de beaucoup de bâtiments des curiosités visuelles, et comment tout semblait finalement s'arranger sur une palette de blanc, de gris, de vert, de bleu aux rares teintes chaudes soulignant des détails vibrants dans le reste du paysage. Ce n'était pas à son sens l'endroit où il y avait les lieux les plus intéressants, puisqu'il préférait de toute évidence les espaces plus chaotiques et bruyants, mais il y trouvait un intérêt quand il se sentait le moins tendu. Le silence et l'ordre étaient un brin angoissants, alors l'ouest n'était jamais qu'un lieu qui ne convenait pas pour tous les instants, mais il savait parfois l'apprécier.
Toutefois, en dehors de ça, il avait longtemps écourté le temps passé dans cette portion de la capitale, avant que son regard un jour accroche une échoppe, une orfèvrerie. Il s'y connaissait pas trop en métaux, et encore moins à l'art de travailler des métaux précieux... Mais il lui était arrivé d'entendre des histoires courant à Black Mamba sur un orfèvre à l'ouest qui pouvait créer des bijoux en travaillant le Fragmentum même... Probablement qu'il ne fallait pas avoir toute sa tête pour faire ce genre de choses. Mais Neven n'avait pas toute sa tête non plus, alors il n'avait pas pu s'empêcher d'être curieux, attribuant même dans un premier temps l'étiquette "cool" au mystérieux artisan... Avant d'entrer dans l'atelier, et voir son rêve se briser.
Dàshén n'était pas un loser, mais il n'était pas aussi cool qu'il l'avait imaginé non plus. Non, en réalité, il pouvait même être un peu ennuyant, poli, beau parleur, trop mesuré, quelque chose de trop sage qui à son sens était toujours aussi louche. Tous les gens avaient leurs vices, et plus ils étaient cachés, plus inquiétant c'était.. Mais le premier vice décelé en Dàshén n'était pas bien excitant non plus : il aimait simplement beaucoup qu'on flatte son ego, et était ce qu'on pouvait décrire comme un brin narcissique. Comment quelqu'un capable de travailler le Fragmentum pouvait il avait l'air si... chagrinant ? Il n'avait pas de cicatrice cool, de gros muscles, une grosse moustache, un rire de méchant de dessin-animé, ni des mouvements d'artisan légendaire top secrets ou un terrible secret, une terrible facette qui ferait de lui un boss final de jeu vidéo caché dans un atelier silencieux d'une rue plus que banale des quartiers parmi les plus ronflants de Sainte-Fontaine... Non, c'était un gars qui n'avait pas l'air si remarquable, mystérieux finalement dans sa simplicité, mais loin de tous les scénarios de son imagination. Et il avait beau avoir squatté l'atelier en revenant de ses rendez-vous bi-mensuels à l'hôpital depuis des mois, il était n'importe qui.

Les quartiers ouest, c'était devenu l'espace où il y avait l'hôpital, parfois du grabuge, parfois du travail, et l'étrange dragon orfèvre. Que ce dernier le veuille ou non, le Sluagh avait fini par prendre l'habitude d'imposer sa présence sur son territoire, sociabilisant avec la tortue toujours quelque part non loin, cherchant à étudier le Vidyadhara et trouver en lui de quoi le distraire... Bon, il était peut-être un peu son cobaye aussi. Mais à vrai dire, même s'il essayait parfois de s'exercer à user de ses perceptions pour comprendre un peu mieux ce qui se tramerait dans la tête de Dàshén, il était toujours incapable de véritablement tirer une quelconque conclusion.
Et peut-être qu'il avait un brin causé des problèmes supplémentaires à Dàshén récemment. Faute de seulement emprunter son temps, offrant de la nourriture en compensation, il s'était retrouvé en soirée en mission dans les environs pour Black Mamba, se chargeant d'une simple mission de vandalisme on ne peut plus classique, avant de se retrouver coursé par un groupe de forces de l'ordre pas spécialement amateurs d'arts modernes. Ah, ce n'était pas des professions d'artistes, après tout... Filant à toute allure dans les rues silencieuses, le silence percé par les voix des agents à ses trousses, il avait appliqué le plan habituel : courir très vite, passer par-dessus tous les murets, prendre toutes les intersections, et se cacher au premier endroit sûr en vue. Et l'endroit sûr avait été malheureusement l'atelier du Vidyadhara, encore allumé, où il était entré sans frapper, filant se cacher en ne donnant en explication qu'un "chut, si quelqu'un entre, fais semblant de pas m'avoir vu, j'te rapporterai à manger un truc cool la prochaine fois." Et peut-être... Peut-être qu'une fois la menace passée, il s'était éclipsé comme un voleur, dans un mélange d'embarras inavoué à l'idée d'avoir causé des problèmes, mais aussi d'avoir dû finalement demander de l'aide. Il ne demandait pas d'aide. Il se débrouillait tout seul. Et il se sentait plutôt mal à l'aise, voir honteux à l'idée d'avoir demandé à un simple artisan de le cacher dans son atelier.... Pas qu'il l'avouerait. D'autres diraient que ce n'était pas grand chose, mais c'était beaucoup pour Neven.
Pour se racheter, il avait donc longuement pensé à quoi ramener entre les heures de travail, contemplant parfois la nourriture présente dans la réfrigérateur avec un air pensif jusqu'à ce que quelqu'un (probablement Algernon ou Naevis), lui rappelle de fermer la porte. Il devrait probablement trouver quelque chose d'un peu cher et difficile à préparer... Il lui apportait de la nourriture à chaque fois après tout, et cette fois, il avait bien plus ou moins quelque chose à se faire pardonner. Mais il avait beau faire au mieux, il n'avait pas non plus les capacités d'un chef étoilé, et il aurait bien du mal à affronter les regards curieux d'Amicia si elle le surprenait à traîner dans la cuisine plus que d'habitude... Et il ne pouvait pas dire que c'était pour des chiens errants.

Voilà comment il avait fini à la porte de l'atelier, un jour où il n'avait même pas besoin de venir à l'ouest de la ville, pour la toute première fois un brin hésitant à entrer. L'idéal serait de faire semblant d'être pleinement sans-gêne... Il pouvait le faire en temps normal, mais il se retrouvait encore bien embarassé. Ah, un vrai gangster n'avait besoin de l'aide de personne... Et il pourrait avoir des ennuis... Enfin, qui accuserait un pauvre orfèvre de quoi que ce soit ? Et Dàshén était un artisan honnête... Très honnête.... Est-ce que c'était légal de travailler le Fragmentum ? Ce qui était illégal n'était pas forcément mauvais...
Jetant un regard inquiet au sac en tissu entre ses mains, contemplant ses préparations sans se sentir un brin convaincu, il poussa la porte de l'atelier, cherchant Shabu la tortue du regard, comme espérant là trouver quelque chose d'un peu rassurant. Puis, après avoir trouvé l'animal, traînant dans un coin de pièce, réfléchissant peut-être au sens philosophique de la vie et à des calculs complexes de physique quantique, il avait fait de grands signes d'une main à l'autre personne dans la pièce, trottinant jusqu'à son plan de travail, observant comme à son habitude sans demander ce qu'il fabriquait alors avec de grands yeux curieux. "Tu fais quoi ?" questionna t'il automatiquement, comme un sale gosse agaçant fourrant son nez partout qu'il ait l'autorisation ou non, qu'il dérange ou non. C'était toujours un peu mystérieux, les travaux d'un orfèvre avant la fin... Qu'est ce que pourrait bien être l’œuvre finale ? C'était peut-être pour cela que leur art était si admiré, c'était comme une forme de magie, beaucoup trop de technique pour fabriquer des objets bien trop beaux et complexes pour qu'une quelconque machine puisse faire de même.
Puis, cherchant la première table libre (ayant tout de même la décence de pas emprunter le poste de travail du Vidyadhara), il déposa le sac en toile, sortant un plat de viandes bien emballé, puis deux pots de confiture. "Comme promis, j'ai trouvé d'la viande, et j'ai tenté une nouvelle recette... Ça s'réchauffe. Et j'ai tenté d'la confiture. Prends pas la confiture jaune, c'est du pissenlit pour Shabu.... 'Fin sauf si tu manges du pissenlit." Est-ce que Dàshén mangeait des pissenlits ? Il resta songeur quelques courtes minutes, se demandant si l'orfèvre pouvait à tout hasard partager ses repas avec sa tortue de terre, paisible et silencieuse comme à son habitude par terre. "L'autre c'la tienne. C'est d'la pêche." Le fruit n'était plus de saison, mais il savait qu'on en faisait toujours pousser un peu dans des serres du village de Mondstadt. Le fruit était plus cher, car quasi tout le stock partait dans des produits annexes commandés par de grosses enseignes, mais il était possible de s'en procurer, notamment en allant récupérer les fruits refusés par les clients plus remarquables, car souvent inesthétique ou que partiellement viables. Et il avait déjà vu l'orfèvre siroter des milkshakes, souvent au même goût, lui laissant penser que c'était peut-être un fruit qu'il apprécierait. Peut-être.
Puis, comme pour esquiver un début de conversation sérieuse ramenant sur la table l'incident des jours derniers, il s'envola quasi aussitôt chercher Shabu, attrapant la tortue après s'être agenouillé, la regardant dans les yeux avant de marmonner : "Ah, est-ce que ton propriétaire te laissera seulement manger d'la confiture d'pissenlits... Déjà qu'il t'a donné un nom d'bouffe, c'proprio indigne... Il pouvait pas d'baptiser avec un nom moins insultant..." Soupirant, esquissant une moue malheureuse, l'animal face à lui ne répondit probablement que par un regard vide, tandis que Neven hochant la tête en réponse, semblant acquiescer à sa non-objection solennelle. L'avantage avec une tortue, c'était qu'il pouvait lui inventer n'importe quelle réponse, elle serait la plupart du temps virtuellement d'accord.

A force de faire semblant, on faisait croire n'importe quoi. Non non, il ne se sentait pas coupable, il se sentait à l'aise à squatter après ce qui s'était passé, et sur-jouer n'était pas sur-jouer quand il agissait de toute manière toujours comme ça. Il était un personnage de fiction, il gérait sa propre direction artistique comme il fallait, et c'était ainsi que les choses étaient idéales... Et puis, il suffisait d'être assez bruyant et indécent pour qu'on croit qu'après tout, il se moquait bien de tout. Il construisait ses propres malheurs comme ça parfois, mais c'était aussi mieux pour se protéger de quelques affreuses questions et quelques affreux sentiments qui le rendraient moins utile. Les idiots utiles étaient préférables, et il jouait bien l'idiot... Pas que sans forcer il était très brillant non plus, mais il poussait tout de même le curseur de temps en temps.
En réalité, il était pour certaines personnes la définition même d'une espèce invasive, débarquant dans leurs vies sans prévenir, s'installant en cherchant à se distraire l'esprit dans les espaces trop vides du temps. Les regards et mots réprobateurs passaient au-dessus de sa tête dans ce qui apparaissait un total je-m'en-foutisme qui cachait simplement l'habitude d'être un indésirable. Et puis, au moins, il savait ce qu'on lui reprochait.
Est-ce qu'il agaçait Dàshén ? Peut-être. Mais le dragon ne l'avait pas encore mis dehors, et le Sluagh se demandait encore un peu où étaient les limites. Il était toujours si mesuré... C'était un peu... ennuyant. Ah, une vie comme ça, avec ce tempérament semblait si plate !
Regardant par-dessus l'épaule de Dàshén après être entré dans son atelier pour mirer sa dernière oeuvre en cours, il s'apprêta à laisser un admiratif "aaaah, un tangooo" à sa réponse, avant de se stopper net. Le tango, n'était-ce pas une danse ? Un orfèvre ne peut pas fabriquer ça, non ? Ou alors, est-ce un objet mystérieux dont les artisans de sa trempe ont le secret ? Laissant échapper un petit son déçu en voyant l'artisan déposer ses outils, et donc arrêter de travailler, il s'était donc dirigé vers la table déposer ses offrandes. "Ça s'voit pas ? J'ai ram'né d'la bouffe." Il fit donc la liste des choses apportées, clarifiant le statut spécial d'un pot de confiture qui était bien plus pour la tortue que son propriétaire. Il avait été ramasser des pissenlits en bas de la rue où était l'appartement qu'il partageait avec déjà trop de gens pour les capacités réelles des lieux, n'ayant comme idée que celle de tester la recette mystérieuse sur le très fiable forum des "Turtle Lovers" qui faisaient des douceurs pour leurs reptiles. Peut-être que Dàshén connaissait. Ou peut-être pas.
Ne laissant même pas le temps à l'orfèvre de le rejoindre, il s'était dirigé vers là où se trouvait la petite tortue, les mots du Vidyadhara passant un brin par-dessus sa tête. Il avait fait ce qu'il avait dit, s'il avait trop peur de goûter... Tant pis pour lui. "Tu s'rais l'premier à être empoisonné..." Mais il ramenait à manger quasi à chaque fois, comment se faisait il qu'il doutait autant ?! A bien considérer les choses, il ne l'avait jamais vu toucher à ce qu'il lui ramenait. "Attends, t'as jamais mangé c'que j'rapporte ? T'as pas jeté au moins ?! Eh, ça coûte cher la bouffe, faut pas gaspiller !" Et ça faisait tout de même des écarts dans son budgets d'acheter à manger pour les autres alors qu'il était sensé subvenir aux besoins de la colocation. Il se rassurait en se disant qu'il ne dépensait pas pour lui-même, mais dans le cas de Dàshén, n'était-ce pas un peu parce qu'il avait juste besoin de parler à quelqu'un pour ne pas mourir d'ennui ou angoisser de l'absence d'agitation nécessaire à sa stabilité mentale ?
Décidant de définitivement bouder, il avait trouvé réconfort auprès de Shabu, s'inquiétant de si seulement elle aurait le droit à de la confiture de pissenlits. Et à son sens, il ne pu s'empêcher de noter l'évidence qu'était celle de pointer du doigt le sadisme derrière le fait de nommer un animal comestible comme une certaine forme de nourriture. Des gens mangeaient des tortues... Et on l'appelait comme si elle était à manger ! Sans jamais lui donner de confiture ! Mais évidemment, qu'est ce qu'y comprenait Dàshén... Toujours le regard rivé vers la tortue, sourcils froncés, il marmonna en retour à son commentaire : "Qu'est ce que t'as contre les prénoms donnés par les daronnes ? La tienne aurait dû t’appeler Sandwich, t'as une tête à t’appeler Sandwich plus que Shabu a une tête à avoir un nom de nourriture..." Son prénom ne lui venait d'aucune mère, et il ignorait que Dàshén non plus ne tenait son nom d'aucun parent, mais l'argument se tenait à son sens. Sandwich l'orfèvre... Ou Tartine. Ou Steak-Frite. Ou Bolognaise. Qu'importe, il n'était pas en danger d'être mangé par des personnes malveillantes, il pouvait bien s'appeler ainsi !
Le Sluagh avait toutefois tiqué aux mots suivants, laissant échapper une exclamation de protestation quand on lui enleva Shabu des mots, gonflant les joues d'un air boudeur, avant de détourner les yeux. "Quel bordel... Hum... Les affaires des grands gangsters sont secrètes, le sort d’amnésie aurait dû marcher..." Il était un grand gangster, bien sûr. Très puissant et respecté ! Mais même à Black Mamba, il n'avait pas connaissance de dispositif permettant de faire oublier des choses aux choses, malheureusement. Ça aurait été pratique...
Se massant la nuque juste après le coup de Dàshén, il le fusilla du regard, vexé. Quoi, évoquer des gangsters ne l'avait pas poussé à ne pas vouloir en savoir plus ?! Étonnant... L'orfèvre ne sentait il pas le danger émaner de sa personne..? Qu'est ce qu'il avait fait ? Ah, bonne question. Fallait il y répondre ? Mais quoi inventer ? Il n'était pas très bon quand il fallait mentir, et les scénarios absurdes défilant dans sa tête finalement n'amélioreraient pas son cas. Ah, il avait juste volé une chèvre prise en otage par les forces de l'ordre... Non, ça non plus ça ne marcherait pas, personne n'y croirait.
Plissant les yeux face à l'affirmation du retour des forces de l'ordre et le fait que l'artisan leur ait donné son nom, il resta immobile comme ça, à le fixer avec cet air quasi stupide, avant de secouer la tête. "Pourquoi y s'raient r'passés après ? Tu les as bien baladés, ils y ont vu qu'du feu. Puis tu crois qu'avec un prénom on retrouve beaucoup d'monde..." Au pire, il n'aurait qu'à demander de nouveaux faux papiers, ce n'était pas la première fois qu'il en faisait faire. Il reprit une expression neutre, tapotant l'épaule de Dàshén. "J'te suis redevable pour c'coup-là. Si j'avais essayé d'les balader plus loin, z'auraient finis par prendre un véhicule, j'aurais été dans la merde pour les s'mer..." Il courait vite, mais jamais assez vite face à une voiture ou une moto. Et user de la violence dans ces quartiers comme ça ? Cinq secondes après, toute la rue aurait été aux fenêtres, il se passait probablement jamais rien à l'ouest... Pas qu'il aurait perdu la bagarre, mais s'il y avait des enfants, ils ne devaient pas voir les adultes se battre.
"Trois rues en haut. J'ai vandalisé l'gros mur blanc là. Y'avait des affiches scandaleuses, j'ai juste fait le ménage," avoua t-il finalement, haussant les épaules. C'était ce qu'avait demandé Black Mamba, et lui-même pensait qu'on ne devait après tout pas faire la promotion de criminels. Mais l'argent empêchait d'aller en prison... Pire encore, les criminels de tout poils avec de l'argent devenaient souvent encore plus puissant avec la bénédiction des autorités. La prison et les dettes, c'était pour les autres.

Il se moquait de l'avis des gens, mais peut-être qu'il était un brin vexé à l'idée d'avoir apporter à manger ou rien. Où est-ce que ça avait été ? Avait il offert ? Ou jeté ? Est-ce que ça avait l'air aussi empoisonné qu'il le laissait penser ? Ça lui apprendrait à aller embêter un artisan random d'un quartier où il mettait rarement les pieds juste pour tromper l'ennui et ne pas perdre la tête à circuler dans des espaces trop calmes. Mais à bien considérer les choses, ce n'était pas comme s'il voyait souvent quelqu'un dans l'atelier de Dàshén à ces heures...  Mais tout de même, gaspiller la nourriture, ce n'était pas raisonnable ! Et il s'était contenté de marmonnements incompréhensibles quand l'orfèvre avait affirmé qu'il goûterait au moins la confiture. Ah, il avait intérêt... Trouver des fruits frais pour en faire était un enfer, et ce n'était pas si simple, ça prenait du temps... Assez de temps pour l'occuper et l'empêcher de réfléchir. Il n'aimait pas réfléchir.
Parti s'entretenir auprès de Shabu la tortue, Neven s'était peut-être un brin plaint de la possibilité que le pauvre reptile n'ait même pas le droit à un peu de confiture. Pourtant, les pissenlits, c'était bon pour elle... En petites doses, évidemment ! C'était du sucre tout de même, il n'était bon d'en abuser pour personne ! Puis, il en était venu à critiquer le nom de la tortue, trouvant le fait de lui donner un nom de nourriture un brin cruel, rétorquant du tac au tac face à la défense de Dàshén, peut-être un brin satisfait de voir la discussion s'arrêter là. On ne donnait pas des noms d'aliments à des créatures en danger d'être dévorées ! Pauvre Shabu...
Le sujet virant au malheureux incident de la dernière fois, il tenta de noyer le poisson avec le meilleur de ses capacités de manipulation, n'aboutissant évidemment à rien. Il pouvait essayer autant qu'il voulait, il n'avait aucun destin en politique, en espionnage, ou dans des professions demandant des capacités de médiation... Sauf s'il s'agissait d'envoyer un boulet pour tromper l'adversaire en leur présentant quelqu'un qui ne pouvait après tout que faire semblant d'autant patiner à tromper son monde... Non, il ne pouvait qu'en faire exprès. Et malgré les propos inquiétants de Dàshén, qu'il ne savait pas être du bluff ou une vraie révélation de délation, il ne s'était pas trouvé plus inquiété que ça. Il n'y croyait pas plus que ça, même après que le dragon en ait rajouté. Un portrait robot détaillé ? Avec cet outil, il aurait déjà été attrapé depuis des jours, non ? Ce n'était pas comme s'il s'était caché. "Sont nuls pour attraper les criminels les flics d'ton coin... Un portrait robot, un nom, et y m'ont pas trouvé... T'es sûr tu t'fous pas d'ma gueule ?" Il ne savait vraiment pas comment savoir si c'était du bluff ou la réalité, profitant de la proximité de l'orfèvre pour essayer de lui renifler la chevelure sans explication ni avertissement. Puis, en concluant que de toute évidence, les informations ne pouvaient se traduire dans son esprit, il en était revenu à convenir qu'il était un peu nul au job de Sluagh. Et malheureusement, ce n'était pas comme si on pouvait l'aider...
Finissant par avouer la vérité à Dàshén, plus par reconnaissance ou culpabilité, c'était difficile à dire. Mais il n'admettrait pas vraiment le deuxième point, préférant surjouer comme à son habitude une pseudo-confiance, se parer d'insolence, et faire passer le tout ainsi. Il n'était pas bien convaincant sur beaucoup de choses, mais sur ce point, il lui semblait trouver une certaine sécurité. On ne pouvait pas le toucher s'il y mettait trop d'assurance ou trop d'indécence. Mais face à la révélation, l'orfèvre était apparu un peu confus, puis, avait éclaté de rire.
En réponse confus, Neven n'avait pas su quoi répondre, s'asseyant en tailleur sans être capable de produire une réaction précise. Qu'est ce qui était si amusant ? Il s'était attendu à ce qu'il ait tué quelqu'un..? Alors il l'avait pris pour un vrai criminel ! Un vrai gangster ! Et il venait de tout ruiner en disant la vérité ! "Tu crois les gangsters font qu'des gros trucs criminels tout l'temps... T'moques pas..," protesta t-il, boudeur. Il faisait des choses bien plus répréhensibles... Mais pas spécialement nobles. Des différentes actions commissionnées par Black Mamba, il préférait de loin les affaires de vandalisme ou protéger des gens, il n'était pas toujours bien fier d'être traîné dans des missions d'intimidation ou de passage à tabac, même si les cibles étaient des criminels. Mais sans ça, il ne pouvait pas rembourser les dettes des autres...
Dàshén calmé, il en était venu à des questions bien plus sérieuses. Ah... Les ragots ne tournaient donc pas si bien dans ce coin ? Et ses impôts ? Pourquoi n'allait il pas menacer un coup le responsable des impôts avec quelques autres habitants, ça serait vite réglé... "Y'a des criminels qui s'ront jamais condamnés dont faut ruiner la réputation. T'voudrais pas qu'ces gens aient ta vie en main..." Mais ce n'était jamais qu'une personne. C'était trop de personnes. Vivre dans les quartiers sud et en avoir trop vu avait bien démontré que les conséquences retombaient toujours en premier sur les personnes à l'équilibre le plus précaire, la plupart des sales manigances avaient bien des racines chez eux, pour profiter d'espaces un peu hors des lois. "Et ils ont toujours de grosses marges pour l'fric, s'ils montent vos impôts juste pour ça, vous avez qu'à frapper à la bonne porte en groupe, ça les calm'ra..." Et puis, il s'y connaissait en nettoyage de murs. Un vrai vandale savait autant taguer que nettoyer ! Mais plus longtemps les mots restaient, mieux c'était. Il fallait bien pousser les gens à faire leurs propres recherches et déterrer le linge sale de quelques individus véreux. Et puis, en cas de problème, il suffisait juste de menacer en groupe les autorités accessibles, c'était tout... Non, évidemment, il s'imaginait mal que personne dans ces rues tranquilles ne ferait quelque chose comme ça. Il se disait qu'il devrait bien y avoir quelques révolutionnaires cachés ! Il ne pouvait pas y avoir que de paisibles moutons passifs !

Se faire dénoncer et attraper pour du vandalisme, ça n'aboutissait rarement à plus que des travaux d'intérêt général, c'est à dire : rien qui ne puisse tant que ça l'inquiéter. Frotter des murs, ce n'était pas bien impressionnant. Il n'allait pas terminer en prison pour ce genre d'actions, sauf si de quelconques groupes de pouvoirs faisaient pression derrière... Ce qui serait absurde, il n'était personne, et son action n'aurait probablement pas tant de réactions en cascade que ça. Il se faisait déjà tirer les oreilles en permanence, alors même si cette fois les personnes étaient de la police, ça ne changeait pas grand chose. Il se demandait juste si, au cas où c'était pour des actions plus graves, il était possible de s'évader de prison. Pouvait on creuser des tunnels à la cuillère comme dans les bande-dessinées ? C'était probablement long, mais ça devait être amusant... Enfin, que les premières heures.
Finissant par dévoiler la nature de ses méfaits, il se retrouva surpris par la réaction hilare de son interlocuteur. Ce n'était pas drôle ! Ce n'était vraiment pas drôle ! Remettait-il en cause son personnage de gangster ? Il était dévoué à ce rôle pourtant, alors pourquoi est-ce que ça finissait toujours comme ça..? Du vandalisme ça restait illégal ! Et il ne pouvait pas toujours faire des choses plus dangereuses... Sans ça, qu'est ce qu'il pouvait être ? Il resta donc plutôt boudeur face à la question de Dàshén, ne sachant pas nécessairement expliquer sa frustration, sachant pourtant quelque part qu'il n'était jamais très crédible à jouer le rôle qu'il voulait jouer. Et puis, il ne pouvait décemment pas non plus lui parler des autres choses qu'il lui arrivait de faire. Ce n'était ni glorieux, ni admirable, simplement des choses qu'il fallait faire. "Humf, c'est pas tes affaires... Puis mieux vaut pas être promus dans c'genre de trucs, tu sais..." Les petites actions données aux petites mains nouvelles dans l'organisation, trop inexpérimentées, ou à qui on ne savait quoi confier se contentaient de ça, et le reste était en fonction de l'ancienneté, la confiance accordée et les capacités. Certain-e-s humain-e-s capables d'user de la technomagie finissaient généralement par avoir des missions de piratages, les espion-ne-s n'étaient jamais que des personnes en qui il était possible d'avoir pleine confiance car l'erreur n'était pas permise avec un tel rôle, les diverses taupes étaient des personnes ayant passé bien des tests, et les gens comme lui avaient récolté assez de confiance (ou assez de dettes), et présentaient d'assez bonnes capacités combattives pour qu'on les utilise en chiens d'attaque ou chiens de garde, en fonction des besoins du moment. Ce n'était pas une bonne promotion pour les personnes qui souhaitaient rester loin des problèmes, mais pour lui, il prenait juste ce qui venait sans plus que ça y songer. Il repayait plus vite les dettes en mettant sa vie en danger qu'en allant taguer des murs et déchirer des affichages papiers.
Évoquant ensuite les raisons de l'action ordonnée par Black Mamba, restant plus ou moins vague, s'attendant à être un minimum compris, il dû bien se résoudre à faire face à un mur. Pourquoi ce n'était pas Léandro qui avait un lieu de travail dans les quartiers ouest qu'il pouvait squatter ? Lui aurait compris. Ou pas, il n'était pas si sûr non plus, peut-être que c'était aussi un peu trop pour lui. "Mais si personne fait rien, rien n'changera jamais ! C'est peut-être ridicule... Mais au moins c'est quelque chose..." Peut-être qu'il avait juste l'habitude d'être minuscule et impuissant, qu'il s'était usé à se parer de costumes et de prétentions, mais il n'était plus certain d'avoir peur de ces choses. Il n'était en effet rien, mais être utile sur des détails lui suffisait. Et ça voulait dire quelque chose pour quelques personnes, alors c'était suffisant.
Neven peinait à saisir la perspective de Dàshén, sa peine quant à l'idée de jeter sa vie dans des causes dangereuse quand on faisait partie d'espèces aux vies bien plus courtes que la sienne, sa résignation évidente, son constat que des choses n'allaient peut-être pas mais qu'après tout, rien ne pouvait être fait, et que tant que ça ne le touchait pas, ce n'était pas bien important... Il s'imaginait qu'il ne pourrait jamais être résigné comme lui sur ces sujets, que, têtu comme il était, il irait au bout qu'importe le prix, et en ne percevant jamais Dàshén que comme un garçon d'à peu près son âge, trouvait inévitablement au Vidyadhara des traits d'une vieille personne nonchalante qui avait déjà tout vu. "T'parles comme un vieux...." Même si inévitablement, un jeune dragon d'une soixantaine d'années avait toujours, quoi qu'on en dise et pense, une soixantaine d'années, bien que ses traits ne puissent évidemment pas trahir ce fait. Et Neven avait beau avoir déjà croisé d'autres Vidyadharas, il n'était pas évident de les reconnaître si ceux-ci ne se dévoilaient pas volontairement (ou accidentellement).
Et puis, Neven ne pouvait pas parler de ses raisons, comme si ça passait trop près d'un espace sensible dans son esprit, quelque chose capable de l'écorcher par-delà le simple fait qu'il faisait tout ce qu'il faisait pour survivre, et payer ses dettes et celles des personnes qui comptaient pour lui. Il n'était pas dérangé à l'idée de mourir à cause de ça, et il ne voulait pas songer que quelqu'un puisse en être triste. Il ne voulait juste pas y penser, parce que l'évidence voulait qu'il n'était qu'un fantôme qui ne laisserait pas d'espaces vides, mais que la réalité était probablement bien différente de ce qu'il s'était convaincu était l'état des choses. Alors, il se contenta d'un bref sourire en coin à la remarque de Dàshén, prenant ses mots tels quels et sans sous-entendus, haussant les épaules "Au moins, je leur aurais été utile." Parce que sinon, il n'aurait pas eu le droit d'exister.
Son attention reportée sur le pot de confiture subitement ouvert par le dragon, son expression changea en l'espace d'un quart de seconde, quittant toutes notes un peu plus dures ou sérieuses, pour qu'il se retrouve à fixer de manière quasi insistante et pleine de curiosité l'orfèvre, portant son doigt trempé dans la préparation pour goûter. Ignorant la prière silencieuse réalisée par Dàshén, il resta silencieux, pendu à ses lèvres, son expression s'illuminant face à son commentaire. Un "c'est pas mauvais" du Vidyadhara, c'était un peu comme un "c'est très bon" d'Amicia, non ? Non ? "C'est vrai, c'est vrai ? C'est vraiment pas mauvais ?" le pressa t-il, exagérément enthousiaste. C'était mieux que recevoir un compliment de Cordon Ramsay, semblait il presque. Pourtant, les orfèvres n'étaient ni critiques culinaires, ni chefs étoilés, mais à sa joie apparente, c'était comme si Dàshén l'avait été.
"Est-ce que Shabu peut avoir aussi un peu d'confiture ? Tu lui donnes à la cuillère ? J'peux donner à manger à Shabu ?" enchaîna t-il, sur la même lancée enthousiaste, pointant du doigt le paisible reptile se promenant dans l'atelier. Parce que si c'était comestible, c'était donc bon aussi pour l'animal, non ? Il n'avait jamais donné à manger à une tortue, mais c'était probablement la nouvelle chose la plus curieuse et excitante de la journée depuis les deux dernières minutes que l'idée de savoir si Shabu apprécierait un peu de confiture de pissenlits.
Quittant sa position en tailleur pour rouler jusqu'à Shabu, affalé sur le sol comme si seulement celui-ci était propre, appuyé sur ses coudes, fixant ensuite le maître des lieux avec de grands yeux brillants, il affirma, plein d'espoirs : "Tu sais, un peu de confiture ce n'est pas mauvais pour les tortues..." Parce que pourquoi fandetortue56 et TortueNinja03 sur les forums de passionné-e-s de tortues mentiraient iels ?

Ce n'était pas toujours facile pour Neven de suivre les autres, à commencer parce que chacun avait vécu certaines expériences, et il avait côtoyé des personnes qui s'étaient plutôt étalée sur un spectre allant de la précarité à une situation plus ou moins stable, mais pas assez pour se satisfaire de l'état des choses. Il cherchait moins le contact avec les autres, ne vivait de toute façon pas dans la même zone, se contentait en général de relations qui n'allaient jamais bien loin... Comme une relation consistant à être le boulet d'un artisan d'un quartier où il ne traînait pas plus que ça. Et de toute évidence, lors d'une discussion plus sérieuse, il était forcé de constater qu'il était difficile de se comprendre. Est-ce que ça l'intéressait plus que ça de saisir sa perspective cela dit ? Pas tant que ça. Il avait foi en certaines choses, dont celle que si personne ne faisait jamais rien, jamais rien n'arriverait, et il se trouvait amer face à la vision décrite comme "réaliste" de Dàshén, qui était loin de sa propre réalité. Le dragon à ses yeux parlait comme un vieillard cynique, ou alors comme quelqu'un qui vivait sur une autre planète, et le lui soulever semblait le vexer... Tant pis, le Sluagh s'en fichait, pourquoi devrait il en avoir quelque chose à faire de ses avis et conseils ?
Il s'en fichait des conseils, des remontrances, des remarques... Il avait déjà des personnes pour les lui faire, et celles-ci étaient bien plus pertinentes. De la bouche d'un quasi-inconnu, ça sonnait vide, des mots qui ne savaient pas sur quelles bases factuelles se poser pour préciser leur platitude. Les problèmes entrainaient des problèmes, s'attirer des problèmes en provoquait aux autres, et les cycles étaient partout et inévitables, il s'en moquait un peu tant que ça ne mettait pas la vie des autres en danger, et que les dettes étaient remboursées.
Mais dès que le pot de confiture refit une apparition soudaine dans leur interaction, l'amertume s'était évaporée de suite, ne laissant place qu'à une anticipation un brin exagérée. Et de toute évidence, il était exceptionnel d'entendre un commentaire qui était pourtant mitigé échapper à l'orfèvre. Tirer ce commentaire de ce grincheux était une grande victoire ! Bon, peut-être qu'il serait aussi plus gentil s'il avait été une autre personne que le boulet qui traînait dans ses pattes de temps en temps juste pour passer le temps... Mais c'était une victoire ! Il avait bien pris soin de sélectionner ce qui lui avait semblé être son fruit préféré après tout... Ça avait dû jouer.
Mais évidemment, Dàshén s'était à nouveau renfrogné quand, enthousiaste, Neven avait suggéré de donner aussi un peu de confiture à la tortue, qui avait réussi alors à échapper à son attention depuis quelques minutes. Préférait il interagir avec Shabu ou son maître ? Dure question. Il appréciait la tortue pour sa nature fascinante de reptile lent et paisible, et parce qu'il n'était pas du tout familier à ce type de bêtes, et il appréciait Dàshén parce qu'il avait la capacité de répondre, et était un artisan capable de fabriquer des choses et être parfois bien grincheux. Les gens grincheux étaient amusants, tant que les sujets de discussions l'étaient aussi. "Non non, t'es drôle aussi... Pourquoi, t'es jaloux d'ta tortue ?" Il plaisantait, bien sûr... Du moins, en partie. Après tout, il y avait des raisons de se trouver saisit de jalousie face à une tortue qui faisait sa vie avec un état d'esprit si serein.
Pour obtenir toutefois le droit de donner un peu de confiture à Shabu, et pour satisfaire sa curiosité, il avait tenté de faire des yeux de chiot battu, traînant par terre comme si le sol était propre ou comme s'il se trouvait chez lui, rappelant que le sucre n'était pas toxique aux tortues en petite quantité. Toutefois, il se retrouva plutôt boudeur en constatant que visiblement, cette technique ne marchait pas. "...Non, ça marche pas quand j'le fais... Mais c'est parce que j'ai toujours pas appris les techniques secrètes de la grande maîtresse de cet art..." Ou alors c'était surtout qu'elle était Amicia, sa petite princesse protégée préférée qu'il couvait comme une enfant gâtée, qu'il lui cédait tout pourvu qu'elle fasse les yeux doux parce qu'il devenait guimauve rien qu'en voyant son visage, et qu'en tant que bébé de la colocation, les trois autres personnes tendaient à agir en conséquences. On ne pouvait rien lui refuser, et il était inconcevable que d'autres pensent différemment.
Cependant son regard s'était rallumé, tandis qu'il considérait avec un réel intérêt la conversation de Dàshén et la tortue, évidemment muette. Les tortues ne parlaient toujours pas... Sauf quand on inventait pour elles. Il inventait souvent pour elle pour agacer l'orfèvre depuis qu'il avait commencé à squatter systématiquement après ses rendez-vous médicaux. Et pour une fois, le dragon lui avait fait une fleur, affirmant que l'animal était d'accord, le membre de Black Mamba évidemment plus que ravi quand la tortue fut déposée à côté, avec le pot de confiture, ne se vexant même pas une seconde quant à la cuillère, l'attrapant sans un mot avant d'ouvrir le pot. "Shabu, faudra qu'tu d'mandes à l'autre grincheux d't'en donner au goûter de temps en temps, d'accord ?" Puis, trempant le bout de la cuillère dans la préparation, il la présenta à l'animal, immobile, observant ses moindres réactions jusqu'à ce qu'elle se décide à manger, arrachant des "oh" et des "elle mange, regaaaarde" au squatteur de l'atelier.
Reprenant un peu de confiture du bout de la cuillère pour à nouveau lui en redonner, il ne releva même pas les yeux vers Dàshén à sa question, bien trop fasciné par le reptile face à lui. Il n'avait pas la dégaine d'un type d'habitant du quartier ? Il avait une autre façon d'insinuer qu'il ressemblait à un animal échappé d'un zoo ? Et prier au temple... Prier... Il pouffa, inutilement amusé par l'idée, marmonnant une prière principale de l'Ordre de l'Apocalypse non sans la clowner en changeant des mots à sa convenances, ajoutant plus haut "Ah si si, j'suis très religieux, j'sais même jouer des trucs à l'orgue pour les messes et tout..!" En réalité, il avait plutôt tendance à mépriser les divinités... Et il n'avait aucune idée de comment on priait dans d'autres cultes, d'en quoi on croyait, ou tout ce qui pouvait exister. A l'ouest il devait y avoir le culte de Long, non ? C'était un Aeon disparu, mais tout de même le parent de tous les Vidyadharas, qui vivaient en majorité à cet endroit.
Toujours bien concentré sur la tortue, il répondit d'un air détaché : "J'tiens compagnie à des gens !" Le médecin qu'il voyait désespérait après des années à lui demander de voir un-e thérapeute, ce qui était en dehors de ses moyens financiers et lui semblait inutile tant il lui semblait que les médicaments le rendaient bien plus stable. Mais il était intéressant à écouter quand il ne parlait de pas de dépenser des sous inutilement. Et c'était un peu vrai qu'il lui tenait compagnie... Il trouvait toujours quelque chose de stupide à raconter !
"T'as toujours vécu à l'ouest, Dàshén ?" questionna t-il, levant les yeux en direction du Vodyadhara, assis sur une chaise. Quand est ce qu'il l'avait ramenée là cette chaise ? Il n'en avait aucune idée, il avait été bien trop absorbée par Shabu.

Peut-être que Neven avait certains talents, mais certainement aucun dans l'art de complimenter efficacement un dragon. Un qualificatif tel que "drôle" n'était certainement pas très bien classé dans l'esprit de Dàshén, même si pour son interlocuteur, c'était évidemment quelque chose de très bien. Être amusant, c'était évidemment éviter de finir en manifestation de l'ennui, être une personne intéressante, et ne pas être possiblement l'entité la plus angoissante du moment. Peut-être que l'orfèvre finirait par le devenir, mais pour l'instant, il était intéressant. Malheureusement, leurs visions étaient définitivement encore différentes... Mais il ne s'en souciait pas plus que ça, c'était aussi ce qui faisait son attrait, le fait qu'il soit grincheux.
Cherchant à obtenir l'autorisation du chef de l'atelier pour pouvoir servir de la confiture à la tortue se promenant d'un air paisible dans des lieux qu'elle connaissait probablement par cœur, il tenta sa meilleure imitation des techniques d'amadouement d'Amicia... Ce qui échoua, évidemment. A son sens, c'était que ça ne marchait jamais que quand c'était elle, parce qu'elle était tout simplement la plus adorable des créatures, et qu'il était impossible de lui refuser quoi que ce soit à moins de n'avoir pas de cœur... La réalité, c'était juste que Dàshén était insensible à ces choses-là. Mais ce n'était pas vraiment les conclusions du sociologue vivant dans le crâne de Neven, parce qu'évidemment, ça ne pouvait être que parce qu'il n'était pas Amicia, ni quelqu'un lui ressemblant d'une quelconque manière... Tant pis.
Et il pouvait bien passer à autre chose, parce qu'aucune technique secrète n'avait finalement été nécessaire pour obtenir le droit de donner quelques sucreries à la précieuse tortue de l'orfèvre. Il s'était mis à sa hauteur, plus qu'enthousiaste de pouvoir enfin la nourrir, prenant garde à donner de petites doses, faisant preuve d'une patience qui semblait quasi-suspecte venue de lui, émerveillé par chaque mouvement de l'animal. C'était probablement la meilleure chose qu'il ait vu ou fait dans la semaine, et ainsi, il était imperturbable, son attention monopolisée par le reptile, juste sincèrement heureux de lui donner de la confiture à la cuillère.
Ainsi, quand Dàshén posa une question, Neven resta le regard rivé sur la tortue, se contentant de répondre à sa question sans lever les yeux, non sans répondre avec une pointe d'ironie. Il avait passé quasi toute sa vie dans un culte religieux, mais c'était vrai qu'il s'en était si brutalement détaché qu'on l'imaginerait mal coincé dedans... Il se disait qu'il s'en était échappé, parce que c'était plus rassurant de dire que tout était derrière, plutôt que d'avouer le poids que ça avait toujours sur son psyché, et les marques laissées derrière par les vagues de violences d'un quotidien révolu. Il était une autre personne désormais. Il était quelqu'un d'autre. Toutefois, blasphémer restait irrespectueux pour d'autres, et l'orfèvre le lui avait bien signalé en le poussant de son pied, le faisant froncer les sourcils. Respectueux ? Pourquoi devrait il respecter en surface des choses qu'il ne respectait pas au fond ? Ce serait hypocrite ! Puis, à la question qui lui semblait bien rhétorique du Vidyadhara, il se contenta de marmonner "C'est à moitié vrai." Il savait jouer de l'orgue, mais il n'était certainement plus religieux... Sauf peut-être dans sa tendance à remplacer lui-même ses bourreaux pour devenir son propre paria. Il n'avait pas abandonné les rhétoriques de l'Ordre pour s'auto-considérer, quand bien même il refusait de l'admettre en pensant qu'avoir réclamé un début d'auto-détermination l'avait pleinement libéré.
Préférant plaisanter sur les réelles raisons de sa venue, il argua qu'il tenait compagnie à des gens, préférant de toute manière dire cela plutôt que d'être bien clair sur les raisons, un brin gêné à l'idée d'admettre qu'il n'était peut-être pas un lutin magique qui apparaissait, causait le chaos, et n'avait jamais aucun ennui. Et puis, il n'était pas certain de savoir ce que d'autres penseraient de la vérité sans couverture, ou de s'il serait capable de supporter de la compassion ou de la pitié. Il ne voulait d'aucune de ces choses de Dàshén pour commencer, il n'était qu'un perturbateur dans sa vie, et il ne voulait pas qu'il le voit comme une personne à part entière. C'était plus amusant d'être un stéréotype, une créature ou une chose cryptique !
Puis, s'intéressant à l'orfèvre, il le questionna sur son passif, se rendant compte qu'il ne savait finalement pas tant que ça à son propos. L'artisan était quelqu'un de discret, et d'autant plus discret face à quelqu'un d'aussi intrusif que lui. Enfin levant les yeux vers Dàshén, il posa une question, incertain quant à si elle pourrait avoir une réponse, un brin surpris d'entendre autre chose qu'un refus de lui apporter une quelconque information. Mondstadt... C'était un chouette village, il y avait beaucoup d'espace, pleins de champs, et il lui semblait en tant que personne n'y ayant que rarement mis les pieds qu'on aimerait y rester. Aller directement là-bas chercher de la nourriture s'avérait utile de temps en temps... Il n'avait jamais demandé à Léandro comment était vraiment la vie là-bas, sur du long terme. "C'est un patelin cool ! T'as d'la famille là-bas ? Ou des ami-e-s ? C'est là-bas que t'as appris ton métier d'orfèvre ? Ou alors y'a des études d'orfèvre à l'université ici ? Est-ce que ça s'étudie à l'université ?" Il profitait un peu trop, à l'assommer de questions comme ça... Mais après tout, s'il avait une chance de satisfaire sa curiosité, il ne reculait pas devant les opportunités. Et puis, il n'avait aucune idée de comment on devenait orfèvre.
Il s'était rembruni quand on lui demanda de se relever, visiblement bien à l'aise à traîner par terre ainsi. Comme une serpillère... S'il le faisait rouler en espérant qu'il absorbe la poussière, ça ne marcherait probablement pas ! Enfin, il était préférable qu'il ne raconte pas une bêtise comme ça. Préférable ne voulant pas dire qu'il se retiendrait d'étaler sa bêtise. "Tu sais pas, ça s'trouve j'peux être une bonne serpillère..."
Toutefois, il se redressa subitement à la question de l'orfèvre, comme un animal curieux. Il allait lui demander de l'aider ? Une activité ? Refermant soigneusement le pot de confiture de Shabu, il attrapa ensuite la cuillère, se relevant, considérant les mots de Dàshén avec intérêt. Qu'est ce que ça voulait dire ? Il savait fait des choses compliquées avec ses mots, oui... Mais est-ce que ça voudrait dire que ça lui suffirait pour faire ce qu'on voudrait qu'il fasse..? "J'peux recoudre des trucs, retaper des objets et craquer des serrures, est-ce que c'est un indicatif positif ?" Le dernier élément était plus inquiétant qu'un indicatif positif, mais il lui semblait, en tant que gamin des quartiers sud, que craquer des serrures était un peu une capacité magique possédée par beaucoup. Et puis, ça demandait tout de même de l'adresse, non ?
Se relevant, il déposa la cuillère et le pot de confiture à leur place initiale avec le reste de ce qu'il avait apporté, guettant une réponse ou une instruction.

S'emparer des opportunités était de la plus haute importance, surtout quand il était question de fouiner dans la vie d'un sujet de son intérêt. Même si l'orfèvre n'était pas la créature la plus cool du coin, pas le Pokemon légendaire scintillant de la ville, il était assez intéressant pour mériter de subir la présence d'un boulet curieux qui cherchait à tromper l'ennui et le silence. Et puis, Dàshén demeurait une figure drapée de mystères, quelqu'un qui avait peut-être une vie banale, mais par son silence lui donnait probablement des airs bien intrigants. C'était peut-être curieux pour l'esprit de Neven, de s'imaginer l'orfèvre vivre à Mondstadt, de faire partie du décor parmi les jolies maisons et les champs, sans atelier dans les quartiers ouest, et sans tortue. Quand est-ce qu'il avait seulement récupéré Shabu ? Là encore résidait une part d'ombre et de mystères. Travailler de ses mains à un art aussi curieux que l'orfèvrerie avait également son intérêt : quasi tout était automatisé, les machines faisaient, et elles pouvaient même se charger de travaux complexes... Mais au fond, il n'y avait qu'une personne qui pouvait réaliser certains travaux, même avec les progrès technologiques.
Il aurait dû s'en douter, mais Dàshén n'avait évidemment pas appris un art manuel à l'université, il y avait simplement appris la magie. Encore un détail mystérieux découvert... Mirant la tortue face à lui, sagement affairée à dévorer sa part de confiture, il s'imagina l'orfèvre parmi les paysages de Mondstadt, et un atelier imaginaire au cœur du village. Qui lui avait appris là-bas ? Mais n'avait il pas dit "amélioré" ? Avait il appris les bases seul ? "Tu savais déjà faire des trucs avant de partir t'améliorer à Mondstadt ?!" Un adolescent n'était plus aussi maladroit qu'un petit enfant, mais n'était-ce pas dangereux d'en laisser un bidouiller ainsi sans formation ? Avec des vidéos tutoriels, on devait pouvoir faire beaucoup cela dit...
Même s'il lui brûlait de poser d'autres questions, un brin trop encouragé par les quelques minces réponses obtenues, il ne se ravisa qu'à cause de la remarque du propriétaire de l'atelier. Une serpillère... Il ne serait pas très efficace à ce genre de job... Un balai ou un aspirateur feraient bien mieux le travail. Et une lingette ou un balai à poussières pour les meubles. Toutefois, et parce qu'il ne se retenait finalement que rarement de dire des bêtises, il avait semé le doute, affirmant qu'il pouvait avoir un talent caché pour le métier de serpillère. Même si c'était peu probable, on ne lui avait pas laissé sa chance d'essayer !
Mais faute de lui offrir un poste de serpillère officielle de l'atelier, une question échappa à Dàshén, faisant se redresser avec curiosité le Sluagh. L'idée de servir à quelque chose était évidemment bien séduisante. C'était drôle d'ennuyer un pauvre artisan des quartiers ouest, mais au fond, il y avait de meilleures façons de s'occuper, et être utile, c'était le seul intérêt qu'il se donnait. Alors, refermant le pot de confiture -probablement sous un regard désapprobateur de la tortue qu'il avait nourrie avec-, il chercha à étaler un indicatif de ses capacités, espérant là qu'on trouve en lui un détail utile. S'il pouvait être utile, plus rien ne comptait vraiment.
Alors, après s'être relevé, d'autant plus attentif en apprenant qu'il pourrait bien faire quelque chose, il alla ranger la confiture dans le sac avec le reste, attendant des instructions. Instructions qui furent le dépôt d'un sac entre ses mains. Oh. Avait il vraiment besoin d'aide juste pour sortir des poubelles ? Ce n'était pas bien difficile pourtant... Mais il se ravisa d'un quelconque commentaire en entendant la suite, un brin inquiet. Il ne devait pas porter de choses lourdes ? Il s'était blessé ? Etait-ce lié à son métier ? Peut-être que c'était plus dangereux qu'on le pensait, d'être orfèvre... Mais s'il pouvait l'aider à ne pas risquer de se blesser... C'était utile. Il pouvait être utile. "Tu dois j'ter d'autres trucs qui sont dans ton débarras ?" Il n'était jamais allé dans son débarras. Il s'était contenté jusque là de squatter l'atelier, tourner partout, faire du bruit, ramener à manger, et dernièrement aussi, quelques problèmes, mais n'avait guère exploré. Enfin une occasion de rectifier le tir !
Tendant les oreilles subitement à la promesse du dragon, son regard s'illuminant comme celui d'un enfant un matin de fête, il lui fallut tout le self-control du monde pour ne pas jeter en l'air le sac poubelle pour partager son enthousiasme en s'agitant plus que nécessaire. Se contentant de glousser entre ses lèvres scellées en un sourire niais, il fit une pirouette pour se retourna, trottinant vers la sortie d'un air pleinement satisfait. Puis, arrivant à la porte, il piailla un euphorique "Ok, j'oublierai pas, tiens ta promesse !" C'était de toute façon une règle élémentaire : on tenait ses promesses. On n'y dérogeait jamais ! Toute promesse faîte devait être tenue ! Il savait bien que la plupart ne les tenait effectivement pas, mais il se disait que le Vidyadharas ne risquerait pas une possibilité de se faire importuner plus qu'habituellement en se laissant faillir à sa promesse. Pas que Neven le ferait, il en penserait plus que "toute façon, personne ne tient ses promesses" avant de passer l'éponge, mais il s'imaginait qu'avec l'image qu'il avait jusque là donné de lui-même, probablement que Dàshén pourrait envisager ce scénario.
Sortant pour sortir la poubelle comme demandé, profitant de l'air frais le temps de trouver le plus grand conteneur dans la rue, caché dans un local en bois sous un abri rustique s'accordant au reste de l'esthétique du quartier, il revint s'occuper du débarras, non sans jeter des regards partout, comme à la recherche de quelque chose pour attirer son attention. Malheureusement (heureusement), il n'y avait rien de spécialement remarquable, rien de brillant, rien à clignoter, juste des vieilleries, et des choses à sortir qui effectivement, étaient un peu lourdes pour une personne en convalescence. Qu'est ce que l'orfèvre avait pu se faire ? Il n'avait pas de marques inhabituelles sur le visage ou les mains, il avait dû se blesser ailleurs... Ou alors, il s'agissait d'un problème interne, invisible, et alors effectivement, il était peu probable qu'il puisse deviner quel était le problème. A bien y réfléchir, il ne pouvait inévitablement que se demander si quelqu'un l'aidait, et, à bien considérer les choses, si c'était lui qui s'occupait de son débarras, personne d'autre n'avait dû le faire avant.
Souhaitant s'assurer de ne pas se tromper de ce qu'il devait déplacer, après avoir transporté les éléments évidents, il était retourné à l'atelier, passant qu'à moitié à travers la porte pour demander : "Hum... C'était tout tu crois, ou y'a d'autres trucs ?" Il acceptait trop facilement de remplir des tâches ingrates, mais dans son esprit, ça voulait toujours dire se rendre utile,, et repousser l'échéance pour quand Dàshén en aurait définitivement marre de lui. Pouvoir venir encore quelques temps restait une idée séduisante, il n'aimait pas marcher dans le silence des rues de l'ouest de la ville sans avoir une pause rassurante, il n'aimait pas leur inquiétante quiétude, comme si quelque chose allait sortir de l'ombre, comme s'il y avait une entité à l'épier quelques part. Le silence précédait toujours les pires choses.

Il y avait des professions communes pour lesquelles les études à faire étaient plus évidentes... Mais lorsqu'il s'agissait d'un travail d'artisan, d'autant plus lorsque c'était celui d'un orfèvre, ce qu'il fallait pour arriver là apparaissait plus flou dans les esprits, celui de Neven également. Apprendre que Dàshén avait appris auprès d'un professionnel perdu dans le village de Mondstadt, mais qu'il avait commencé avec un talent spécial était pour le moins fascinant. Il avait commencé par du bois... Il devait avoir fait tellement de choses... La racaille de bac à sable se retrouvait un brin admirative, parce qu'il savait réparer des objets, mais certainement pas en créer ainsi.
Bien que peu ravi à l'idée qu'on le reprenne ensuite pour être resté allongé par terre pour nourrir la tortue, s'interrogeant et émettant son avis sur sa possible fonction de serpillère, la suite des choses se révéla bien plus intéressante. L'orfèvre ne posait pas ce genre de questions, et l'issue était donc aussi mystérieuse qu'intrigante. Alors, évidemment, Neven n'avait pas cherché à mentir, énumérant quelques hauts-faits dans l'espoir qu'on lui demande peut-être de faire quelque chose. Avoir des hauts espoirs aurait voulu dire qu'il se serait mis à songer qu'on lui apprendrait quelque chose, mais les standards de satisfaction ridicules du Sluagh s'en tenaient à se trouver satisfait de la moindre demande, aussi ridicule d'autres pourraient la trouver.
Quand on lui mis un sac poubelle dans les mains, il passa d'une brève surprise à un réel enthousiasme, se disant que ça pourrait être utile, non sans se trouver un bien inquiet quant aux mots s'étant échappés de la bouche du dragon. Il devait éviter de porter des choses lourdes... S'était il blessé ? C'était difficile de constater une blessure extérieure visible sur l'artisan, mais Neven s'en était tout de même trouvé un brin préoccupé. Il ne connaissait pas tant que ça Dàshén, mais il l'appréciait, et même s'il n'avait pas sut qui il était, il aurait été triste à l'idée qu'il puisse ne pas être en si bonne santé. Déterminé donc à l'idée de faire quelque chose qui pourrait lui rendre service, et content de servir à quelque chose, il avait demandé ce qu'il devait débarrasser, préférant à l'avance s'assurer de bien faire son travail.
Inconscient des pensées traversant l'esprit du dragon, s'apprêtant à partir réaliser les tâches demandées, la situation devint encore toute autre face à l'offre de l'orfèvre d'enseigner un peu de son art. Résistant à l'impulsion d'exprimer sa joie d'une manière un peu trop graphique, il se contenta d'étouffer un gloussement satisfait, exprimant bien qu'il retiendrait la promesse. Et, en retour, Dàshén l'avait rassuré, réitérant qu'il se souviendrait de ses paroles aussi, ce qui était plus que beaucoup, en somme. C'était assez de joie pour la semaine, il n'en fallait pas bien plus.
Filant dehors faire ce qu'on lui avait demandé, non sans se réjouir d'également pouvoir explorer le débarras de l'artisan, son esprit resta habité par les mots entendus, se permettant d'imaginer quelques plans futurs. S'il apprenait de Dàshén, peut-être qu'il pourrait réparer plus de choses... Ou fabriquer quelques petits objets pour les gamins du quartier ou ses colocataires... Il ne savait pas tant que ça bricoler à bien y songer, il pouvait réparer plusieurs choses, mais il ne créait pas. Ce qu'il créait été immatériel, mais rien qu'on puisse tenir dans les mains. Apprendre ne serait pas un mal...
Après ses plusieurs allers-retours, il revint au débarras où l'orfèvre se trouvait alors lui aussi, semblait il perdu dans ses pensées (?), le questionnant sur s'il avait terminé ou s'il fallait déplacer d'autres choses. Il semblait observer une table recouverte de babioles... Est-ce qu'un de ces objets lui rappelait quelque chose ? Tout de même, il en avait du bazar... Une table entière comme ça, en plus... Ça n'avait pas l'air d'être une simple table classique bon marché en plus... Pourquoi ne pas la mettre dans l'atelier ? Peut-être qu'elle était cassée. Ou branlante. Ou trop bizarre pour l'esthétique de son lieu de travail. Enfin, il n'en avait aucune idée. "Déjà ?" ne put s'empêcher de demander le Sluagh à l'annonce de Dàshén, qui avait remonté ses manches, ne semblant soudainement plus perdu dans ses pensées. Et évidemment, ça voulait dire qu'il devait de préférence déguerpir pour ne pas déranger. Pour le bien de la promesse, il pouvait laisser une chance à celle-ci se devenir possible, il obéir pour une fois. Il avait bien trop insisté les dernières fois pour encore traîner et le regarder faire, posant des quantités ridicules de questions plus ou moins absurdes... Et il devait encore se faire pardonner pour les problèmes apportés.
Que faire en attendant que vienne l'heure d'aller au travail ? Il devait bien rester une heure ronde encore... Quel ennui. Il pourrait toujours passer voir quelques grand-mères, elles avaient toujours besoin qu'on leur rende quelques services, ça l'occuperait. Prenant un air déçu un brin exagéré, il marmonna : "Ah, voilà qu'tu m'chasses... Mais j'reviendrai, oublies pas de donner un peu de confiture à Shabu de temps en temps." Puis, non sans jeter quelques regards curieux au nouvel endroit découvert, notant une nouvelle fois qu'il y avait quand même beaucoup de bibelots (l'impression était beaucoup encouragée par le fait qu'il était habitué aux gens qui n'avaient pas grand chose), il fit de grands signes de mains à l'orfèvre sans chercher à attendre qu'il fasse quoi que ce soit en retour, prenant ensuite le chemin vers la station de métro pour rejoindre le sud de la ville. La prochaine fois... La prochaine fois, il extorquerait des connaissances secrètes à Dàshén.