Il arrivait parfois qu'il soit offert à des entreprises s'étant fait un minimum remarquer de bénéficier d'une mise en avant l'espace d'une exposition en centre-ville dans le grand hall d'une riche organisation. La convocation se faisait en général par mail, invitant quelques chanceuxses à un grand évènement qui ne pouvait jamais que profiter à leur business... Et pour une bibliothèque, lieu marginal où ne traînait finalement pas tant que ça le commun des mortels, une telle opportunité était plus que profitable. Pas que le business allait mal... Il y avait des client-e-s regulier-e-s, la situation monétaire était stable, et il avait fallut ajouter une nouvelle étagère il y a plusieurs mois après avoir trouvé d'autres ouvrages à proposer à la lecture... Et puis, dans une entreprise où il n'y avait jamais que trois pauvres personnes au maximum, il n'y avait pas non plus besoin d'un profit extraordinaire pour redistribuer assez pour que tout le monde vive.
La majorité de l'année, ce n'était jamais que Vertin et le patron. Elle appréciait la quiétude que lui offrait son travail, l'opportunité de simplement pouvoir lire la plupart de son temps sans que cela semble déplacé, et surtout de ne pas avoir à feindre être sociable avec plus de personnes qu'il ne faudrait.... C'était aussi pour cela que la situation actuelle était un problème : elle n'était pas du tout motivée à participer à une exposition en centre-ville, même si c'était pour mettre en valeur leur bibliothèque parmi les autres. Et malgré les arguments solides du patron, à savoir qu'elle pourrait certainement mettre en valeur le capital culturel unique détenu entre leurs murs, et leur collection d'ouvrages rares dont le contenu était introuvable en ligne, il y avait tout de même qu'il fallait prendre les transports jusqu'au centre, croiser pleins de monde, et dépenser de l'énergie. Et en grande professionnelle de l'économie d'énergie, elle voyait peu de moyens de ne pas inutilement se fatiguer.
Toujours était il que, trop tôt le matin, elle avait accompagné son patron apporter des livres et quelques petits affichages préparés à l'avance pour l'exposition. Puis, elle s'était contentée de jouer la bonne employée, installer leur stand, converser avec les voisin-e-s (mais qu'avait elle à faire des boutiques de vêtements de stylistes ou des jus de fruits magiques ?), se voyant abandonner une ou deux heures après l'ouverture de l'exposition. Parfait...
Ayant fini par retomber le derrière vissé sur sa chaise, attrapant un des livres pour se distraire l'esprit du fait du peu de personnes s'arrêtant devant leur stand (comment l'invitation leur était seulement parvenue, pour commencer ?), son attention ne fut attirée que par le passage intempestif d'une jeune inconnue devant elle. Que cherchait elle ? Elle semblait un brin perdue... Ou inquiète... Qu'importe.
La chose n'attira que plus amplement son attention quand celle-ci s'était subitement attaquée à une autre personne, son visage se déformant l'espace de plusieurs secondes en celui difforme d'une créature qu'on ne pouvait confondre avec un-e habitant-e de Sainte-Fontaine classique, faisant se figer nombre de passant-e-s autour. Un monstre du Fragmentum. En plein centre-ville. Comment était-ce possible ?
En règle général, les apparitions de ces choses-là se faisaient plutôt aux limites de la ville, ou au sud près des cristaux de Fragmentum... Et les monstres étaient arrêtés avant de pouvoir trop s'enfoncer en ville... Alors comment est-ce que cette chose avait pu arriver ici ? Est-ce que la sécurité ces derniers temps était vraiment si obsolète ?
Qu'à cela ne tienne, elle s'était contenté de sortir son téléphone (pour une fois emmené avec elle), l'ouvrant avec peine, avant de saisir le numéro des secours, regardant les personnes autour osciller entre confusion et panique, tâchant de ne pas attirer plus que ça l'attention d'un monstre dont nul ne connaissait les intentions. Parce qu'après tout, c'était bien là le soucie avec cette bête en particulier : elle pouvait autant être inoffensive que mortelle. Et à bien y songer, la bibliothécaire préférait donc appeler quelqu'un au plus tôt, et faire descendre la tension.
Ainsi, le coup de fil passé, elle s'était levée pour se diriger vers le monstre, cherchant du regard d'autres personnes pouvant potentiellement suivre son idée, proposant sur un ton agréable : "Bonjour, souhaiteriez vous vous asseoir un peu ? J'ai quelques biscuits à vous proposer." Les consignes étaient simples avec ces créatures : rester calmes, et ne surtout pas les énerver. Ce monstre s'était énervé à force d'agacement, peut-être parce qu'il s'était perdu, et pour réduire les risques, il fallait bien que quelqu'un l'apaise.
"Quelqu'un aurait aussi une boisson à partager ?" questionna t-elle, consultant les personnes autour. Un goûter, ça apaisait tout le monde, non ? Il lui semblait que la voie de l'estomac n'était jamais que la plus susceptible d'adoucir même les coeurs les plus durs... Et si elle se trompait et finissait dévorée... Eh bien tant pis, c'était des choses qui arrivaient, à bien y réfléchir.

Ce qui s'était annoncé être une journée bien ennuyante réservait en réalité quelques surprises. De mauvaises surprises, évidemment, parce qu'il semblait à Vertin que l'ennui de longues journées au milieu de personnes exagérément bruyantes ne pouvait être troublé que par l'apparition de problèmes. Pourquoi se passerait il quelque chose d'intéressant quand il ne pouvait y avoir que des problèmes barbants à lui sauter à la figure ? Déjà cette journée en centre-ville, et maintenant... C'était bien ce qu'on disait : il y avait des jours où il était préférable de rester au fond de son lit. Et ce jour-là, il était évident qu'elle aurait dû se faire porter pâle. Ce n'était pas comme si elle était tant que ça absente,.. Mais si elle finissait en goûter d'un monstre du Fragmentum, il serait évident qu'elle ne pourrait donc pas venir travailler le lendemain.
Mais évidemment, Vertin, bien qu'ayant une part d'elle un brin résignée à songer que si elle mourrait le jour-même c'était triste mais c'était ainsi, avait tout de même un semblant d'instinct de survie. Il fallait éviter tout dérapage en attendant l'arrivée de personnes compétentes pouvant s'occuper du monstre apparu en plein milieu du salon... Toutefois, en regardant les choses objectivement : plus il y avait du monde, moins il y avait de chance que quelqu'un prenne une initiative. Et donc, quelqu'un devait bien se montrer responsable, faire le premier pas, et prendre les risques pour désescalader la situation.
Renfrognée à l'idée de s'illustrer, même si l'acte était techniquement "moralement bien", elle avait affiché son plus beau sourire et pris son ton le plus agréable pour interpeler le monstre et lui proposer des biscuits. Sacrifier des biscuits pour un monstre... Et son instant tranquille de lecture... Les monstres étaient bien mal élevés de ruiner plus que ça sa journée.
Se disant qu'elle ne pouvait décemment pas subir seule d'être l'animal de compagnie temporaire d'une créature potentiellement mortelle, elle consulta les personnes autour, espérant là que quelqu'un puisse apporter une boisson à ajouter au menu du goûter impromptu, tandis que le monstre sous forme d'une femme semblant parfaitement humaine gardaient désormais la même expression fâchée, immobile, comme analysant l'actuelle situation.
Mais au lieu d'aider, voilà qu'une voix s'éleva, le regard de la Seelie se posant sur une silhouette à la fois familière et étrangère. Elle connaissait ce jeune homme... La dernière fois qu'elle l'avait vu, il n'était alors pas bien grand par rapport à elle, avec une voix plus aiguë de petit garçon qui au plus tard où elle l'avait vu, n'avait au mieux qu'effleuré sa puberté. Les années avaient filé depuis la dernière fois qu'elle avait croisé un fantôme de son enfance comme Léandro, un type de fantôme qui rappelait l'odeur de l'herbe coupée et des orangers, et qui lui rappelait les jeux interminables dans lesquels il l'avait traînée, la pensant seule et abandonnée malgré elle. "Quitte à devenir unijambiste, j'espère que personne ne fera de mal à ce monstre pour étudier la pertinence des apports nutritionnels de la viande de Seelie pour les créatures du Fragmentum..," laissa t-elle tomber, tout sauf déphasée. Elle avait l'argent pour assumer l'achat d'une prothèse... Et il était vrai que maintenant qu'elle y songeait, elle se demandait également si les monstres du Fragmentum pouvaient consommer d'autres créatures et recevoir des bénéfices d'un point de vue santé. Y avait il un gain en énergie ? En capacités cérébrales ? En force ? Est-ce que ces monstres ressentaient seulement la faim ?
Clignant des yeux d'un air paisible, la fée fixa ensuite de manière plus qu'insistante le gobelet de boisson de Léandro. Il avait donc à boire... Une boisson pour aller avec les biscuits... Voyant que le Foxien probablement avait compris qu'il était le seul à pouvoir intervenir directement, il marmonna quelques excuses, se cramponnant à sa boisson comme à un trésor précieux. Ah, elle avait sacrifié des biscuits, ne pouvait il pas aussi sacrifier quelque chose..? Et puis, il n'y avait pas d'études de l'effet du sucre sur l'organisme des monstres non plus. Ces choses-là n'obéissaient pas aux mêmes lois, il n'y avait aucune garantie que les molécules du monde physique agissent pareil sur des créatures aux corps quasi entièrement faits d'énergie Imaginaire. Si elle pouvait observer ça en live... Elle se tourna, attrapa donc sa boîte de biscuits, et les tendit au monstre, désignant ensuite la chaise face au stand de la bibliothèque pour que celui-ci s'assoit.
Fort heureusement, Léandro semblait avoir été rattrapé par son grand coeur, et peut-être un brin d'imprudence (parce qu'au fond, traîner à côté d'une créature qui pouvait aisément le découper en rondelle selon ses réelles intentions avait ses dangers), tendant son gobelet à la créature, les glaçons à l'intérieur émettant un bruit familier qui sembla pourtant agacer l'intéressée. Etait-ce le bruit ? Ou la température en attrapant le gobelet ? Toujours était il que le monstre s'était tout de même assis posant les biscuits non loin, gardant le gobelet en mains sans un mot, le silence comblé par Léandro tandis qu'un nuage de nervosité planait encore chez les quelques personnes autour. Ah, les gens ne pouvaient ils pas se contrôler un peu et aller stresser ailleurs ? Se masser autour d'un monstre n'était pas bien malin non plus...
Rendant son attention à son ami d'enfance, elle répondit à sa salutation par un petit mouvement de tête poli, haussant vaguement des épaules à la mention des drôles d'amis. Est-ce qu'un monstre était aussi désagréable qu'une personne cornant les pages d'un livre ? Pas nécessairement. Ce n'était pas la pire fréquentation possible sur tous les critères, même si celui de dangerosité était difficile à ignorer. "La bibliothèque a reçu une invitation pour ce salon... Hum... C'est plus calme là-bas qu'ici..," répondit elle, comme si parler de son lieu de travail était un moyen fiable de répondre à une question sur comment elle allait. Il ne savait probablement même pas où elle travaillait ni dans quoi, cela faisait des années que leurs chemins ne s'étaient pas croisés... "Et toi ?" Elle n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait faire dans sa vie en tant qu'adulte. Certes, elle se souvenait parfaitement de son lui enfant grâce à sa mémoire de Seelie, mais cela ne l'aidait pas vraiment à pouvoir pointer du doigt qu'est ce qui pourrait être son métier. Peut-être... Peut-être qu'il dessinait encore... "Tu dessines toujours ?" Il avait toujours eu un certain talent par rapport à la moyenne... C'était un garçon travailleur, s'il avait continué à dessiner, il devait probablement faire d'encore plus belles choses qu'à l'époque... Et même si le dessin n'était pas ce qui intéressait le plus Vertin, elle tendait à avoir une certaine admiration pour tout travail de ce type.
Voyant que le monstre fixait étrangement le paquet de biscuit sans y toucher, la Seelie se pencha pour l'attraper, ouvrit le paquet, et tendit à nouveau la chose à la créature, pensive en voyant qu'elle refusait toujours d'y toucher. Qu'est ce qui pouvait l'inquiéter ? Et elle eut beau sortir tout, déposer les biscuits seuls sur la table, l'invitée imprévue ne semblait toujours pas si convaincue. "Ce sont des cookies au chocolat composés à 39% de farine de blé, 36% de pépites de chocolat elles-même composée de sucre, d'émulsifiants, de soja, et de pâte et de beurre de cacao, de graisse de palme, de sucre, de chocolat en poudre dans la pâte, de poudre à lever, de diphosphates, de carbonates d'ammonium, de sel et d’œufs. Il se peut qu'il y ait des traces de fruits à coque," récita t-elle, connaissant évidemment par cœur la liste derrière le paquet en plastique. Quand on disposait de certains atouts naturels, il était toujours mieux de s'en servir... Et visiblement, c'était bien l'absence de connaissance sur ce qu'il y avait dans les biscuits qui avait bloqué le monstre, la créature engloutissant un premier cookie, son visage se déformant encore l'espace d'une dizaine de seconde avant d'afficher une expression un brin moins tendue qu'avant.
Les monstres du Fragmentum pouvaient donc se soucier des compositions de produits industriels... Intéressants... Elle se demandait si les études de Schicksal sur le sujet l'avaient déjà remarqué... Elle demanderait à Ariane la prochaine fois qu'elle la verrait.
Vertin fit ensuite signe à Léandro de prendre la seconde chaise à côté d'elle pour faire face au monstre (c'était la chaise du patron, mais à bien y songer, qui partait à la chasse perdait sa place), tapotant le rebord non sans oublier de sourire. Faire la tête lui donnait disait on des airs froids et peu sympathiques... Et étant donné qui était la troisième personne complétant leur équipe, il était peut-être préférable de garder des airs abordables. Même si, à bien y songer, peut-être que pour quelqu'un qui l'avait connue enfant comme Léandro, il y avait peut-être de la confusion à avoir à la surprendre à sourire d'une manière aussi paisible... Il fallait dire : autrefois, elle n'avait jamais ressentit le besoin de faire des efforts avec ses expressions. Tout l'ennuyait, rien n'était triste, rien n'était si fâcheux, rien n'était drôle, et il n'y avait donc pas matière à faire semblant de ressentir des choses qu'elle ne ressentait pas. Avec l'âge, elle avait toutefois compris qu'il fallait parfois un peu y mettre du sien au risque de sinon apparaître comme décalée... Ce qu'elle était de toute manière, même en essayant d'avoir l'air sympathique.

Vertin n'avait jamais pensé plus que ça se choses de Léandro, en réalité. Il n'avait jamais vraiment plus que ça attisé sa curiosité, mais il avait percé sa bulle de force pour l'emmener dans ses diverses aventures de gamin avec des rêves plein la tête, et peut-être que ça avait eu ses avantages. Elle avait observé des choses grâce à lui qu'elle n'aurait pas chercher à apprendre si personne n'était allé la tirer de sa confortable solitude... Et peut-être qu'avec elle avait mieux saisit certains concepts. Il avait été une fréquentation... enrichissante, pour ainsi dire. Et voilà qu'il réapparaissait subitement dans sa vie, au détour d'une situation potentiellement très dangereuse, avec une boisson fraîche et son grand coeur. Il n'avait donc pas perdu cet attribut...
Mais il y avait vraisemblablement autre chose qu'il n'avait pas perdu : son fonctionnement cérébral particulier. Avait elle mal formulé sa question sur sa présence ici ? Il versait le lait avant les céréales ? Quel lien avec l'actuel évènement, et quel genre de créature se comportait ainsi... L'intérêt de mélanger ce liquide maudit et des céréales n'était il pas qu'il y ait un mixage des textures et des goûts ? Peut-être qu'il était juste venu en visiteur.... Ou pour visiter un stand de céréaliers... Elle avait entendu qu'il existait des business consistant simplement en des espèces de restaurants spécialisés dans les petits-déjeuners... Ça devait être quelque chose comme ça.
Toutefois, se rendant compte qu'elle n'avait aucune idée de ce que pouvait faire son ami d'enfance, et ayant souvenir qu'il avait été du genre à griffonner enfant, elle s'était enquit de s'il continuait ou pas sur cette route, au moins juste en tant que hobby. A entendre sa réponse, ce n'était toutefois pas avec ça qu'il gagnait sa vie, même s'il continuait, offrant ensuite enfin une réelle explication à sa présence à cet endroit. Il était sensé se rendre dans une nouvelle boutique pour son matériel de dessin... Mais voilà qu'il se retrouvait à l'accompagner dans une mission pour empêcher un monstre de l'Honkai échappé du Fragmentum de potentiellement massacrer des visiteurices d'une expositions... C'était une déviation de programme particulière.
Remarquant ensuite que leur invitée spéciale semblait perdue dans ses pensées, fixant le paquet de gâteaux sans l'ouvrir. Songeant d'abord qu'elle ignorait comment l'ouvrir, elle l'avait fait à sa place, sans que pourtant le monstre ne touche aux biscuits, puis, les avait aligné, confuse en voyant qu'il ne se passait toujours rien. Puis, elle s'était simplement contenté d'une description des ingrédients, se disant que de toute façon, au pire ça ne marcherait juste pas, toutefois satisfaite que son talent serve finalement à quelque chose en observant la créature enfin se servir. Puis, entendant à nouveau Léandro prendre la parole, elle haussa les épaules. "Il semblerait qu'il n'y en ait pas besoin." De plus, elle ignorait si cela avait seulement un intérêt pour une créature s'étant extirpée de cristaux magiques contaminés par l'énergie Honkai.
Puis, elle écouta non sans amusement le Foxien tenter tant bien que mal d'expliquer la composition de sa boisson, le monstre se contentant d'un vague hochement de tête avant d'enfin y toucher aussi. Les descriptions vagues étaient donc bien rassurantes aussi... Où était-ce une question de goûts ? D'éviter un quelconque poison ? Mystère.
Faisant signe à Léandro de s'asseoir, Vertin avait mis des efforts pour esquisser un sourire et prendre un air plus avenant, espérant-là aussi y trouver des bénéfices. Le monstre aurait moins de chances de mal comprendre ses intentions ou de la prendre pour une personne sévère ou effrayante si elle y mettait du sien... Mais évidemment, ça avait aussi un effet un brin différent sur l'ami d'enfance à ses côté. Celui-ci s'était bien assis, s'étant accoudé sur son genoux pour ensuite l'observer avec un véritable manque de discrétion. Etait-ce vraiment si étrange ? Il était vrai qu'elle n'avait jamais vraiment plus que ça sourit enfant... Et avec les autres enfants, elle s'était surtout forcée à adopter ce genre d'expression, parfois à des instants où elle aurait peut-être mieux fait de garder sa tête habituelle. C'était qu'après tout, elle avait dû aussi apprendre à savoir quand on faisait ça... Et vu qu'elle n'était pas si facilement amusée par quoi que ce soit... Quoi qu'elle était peut-être meilleure public en tant qu'adulte. Toutefois, elle secoua juste la tête doucement en entendant la remarque de Léandro sur sa longueur de cheveux, se doutant bien qu'il devait avoir trouvé autre chose à soulever que l'évidence. "Et toi, tu n'as pas tant que ça changé... Tu es toujours aussi gentil..." Le genre de personne qui devait parfois se faire salement entourlouper. Mais au moins, il n'avait jamais été aussi naïf à son sens que les quelques ahuris venant à la bibliothèque comme ce curieux ambassadeur... Ce pauvre garçon-là, elle ne lui trouvait jamais de récupérable que son calme et l'argent sur son compte en banque. Ce n'était pour commencer pas ses goûts en matière de littérature qui pourraient sauver son cas... "Tu as aussi... pris des centimètres. Loin est l'époque où tu étais plus petit que moi, ah," fit elle remarquer, soupirant, peut-être traversée par un élan de nostalgie. Elle avait vite grandit, ce qui lui avait offert plusieurs années à pouvoir faire partie des plus grand-e-s de la classe, et toiser le monde d'un peu plus haut que les enfants de son âge. Et même si en tant qu'adulte elle était plus grande que plus de la moitié des femmes, son ami l'avait dépassée. Il n'était plus un petit garçon... Et c'était étrange à songer. Elle n'avait pas une perception du temps standard du fait d'être née avec une mémoire absolue, les souvenirs étaient toujours si vifs que ce qui remontait à dix ans pouvant dans sa tête avoir des airs d'être arrivé la veille, et la frimousse de gamin de Léandro semblait comme avoir changé dans la nuit. Ca faisait des années, pourtant.
Toutefois, leur attention fut à nouveau attirée par la monstre partageant leur stand, sans pourtant que la créature explicite la raison de ce son. Etait-elle mécontente ? Heureuse ? Ou se raclait elle simplement la gorge ? "Une corde ne pourrait rien contre une créature du Fragmentum boostée à l'énergie Honkai. Tu vas juste la fâcher, et garantir ton décès dans les minutes suivantes à 87%." C'était une idée stupide, elle n'allait pas lui cacher ce qu'elle en pensait. Et puis, il était un ami d'enfance, elle serait un peu triste s'il lui arrivait quoi que ce soit... Il faisait partie des rares existences qu'elle regretterait, elle ne pouvait pas le laisser faire des suggestions qui pourraient le mettre en danger. De plus, même quelqu'un capable d'user de magie et de se battre pouvait avoir des difficultés face à ces créatures-là. Il y avait une raison pour laquelle les autorités demandaient d'appeler d'urgence de l'aide en en croisant... Les chanceuxses s'en sortiraient avec une discussion avant que la bête retourne dans le Fragmentum, d'autres finissaient en pâté bon marché.
Se penchant vers le monstre, la Seelie osa donc plutôt une question directe sur les raisons du grondement, gardant cet air aimable collé au visage dans l'espoir que celui-ci empêche son interlocutrice de se braquer : "Tout va bien ? Avez-vous besoin de quelque chose ?" La créature releva le nez vers elle, puis Léandro, son visage fondant une nouvelle fois pendant plusieurs secondes avant de reprendre une imitation de visage humanoïde, une voix comme teintée de métal se faisant ensuite : "Discutez avec moi." Puis, pointant du doigt Léandro, quelques éclats de poudre dorée suivant son geste (avait elle vraiment été plus tôt à deux doigts d'attaquer quelqu'un ?!), elle explicita les choses "Toi. Fais-moi la cour." Misère. Vertin jeta un coup d'oeil inquiet en direction de son ami, incertaine seulement de s'il était capable de faire ça. Elle savait qu'il était bon à faire la conversation, c'était un jeune homme qui avait toujours été sociable et de bonne compagnie... Mais savait il draguer ? Ca, c'était un mystère, et sa mémoire ne pouvait rien faire ressortir qui irait dans ce sens. Fallait il aussi y comprendre que la monstre trouvait le Foxien à son goût ? Pauvre Léandro, le voilà qui se retrouvait dans une situation bien étrange... Le désavantage à être un garçon charmant, probablement.
Puis, fixant intensément Léandro, le monstre s'étant emparé d'un nouveau cookie, croquant dedans, attendant patiemment que son interlocuteur trouve quelque chose de satisfaisant à dire.

Cela faisait des années que Vertin n'avait plus croisé le chemin de Léandro, et après des années, voilà qu'il réapparaissait au moment le plus improbable possible. Il y avait peut-être quelque chose d'un peu poétique, au fait que son existence puisse conserver la même aura qu'importe le décor, comme s'il était un être un brin immuable que le monde soit vert ou gris. Ce qui semblait le plus avoir changé n'était donc pas l'impression de quiétude et de camaraderie émanant de sa personne, mais bien les centimètres pris depuis leur dernière rencontre... Avant de le recroiser, le Foxien avait toujours été plus petit qu'elle qui avait grandit plutôt vite, et avait terminé sa croissance au doux âge de quinze ans. Parmi les femmes, elle faisait partie des plus grandes, et de ce fait, elle avait bien connu un temps où nombre des personnes dans son entourage était des lutins autour d'elle... A dire vrai, il était fort probable que dans le présent même, beaucoup de ses anciennes connaissances restent plus petites qu'elle. Mais pour Léandro, ce n'était pas le cas : il la dépassait désormais... de quelques miettes.
Elle esquissa un vague sourire amusé une fois mise en doute par son ami, s'apprêtant simplement à secouer la tête pour balayer sa question, mais le Foxien avait repris la parole, évoquant son ego. Un grand ego..? Comparé à celui des autres enfants, avait il eu un si considérable ego ? C'était une question débattable, mais Vertin n'avait jamais eu plus que ça cette impression. Il existait en temps que personne, mais pas au point que son existence cherche à dévorer les autres tellement elle prenait de la place... "Tu n'étais pas un gamin avec un ego si remarquable... Tu étais... gentil... Tu ne marchais pas sur les autres pour te mettre en valeur." C'était tout à son honneur et son malheur, d'avoir été finalement un pauvre garçon comme ça. Au moins, il n'avait pas cette candeur quasi romantique qu'avait Luam, l'amateur de livres mièvres, sur le monde, une vision qu'elle trouvait profondément pathétique, tant cette innocence teintait simplement sa capacité à comprendre l'imperfection des choses. Léandro avait toujours été gentil, mais même enfant, jamais au point de tant avoir l'air de se croire dans un conte de fée.
Le jeune homme restait un éclat innocent de convictions passées, d'avant la fin de ce qu'elle considérait comme des illusions, et il existait pour lui en elle un éclat d'affection qui faisait aussi qu'elle ne désirait pas le savoir disparu, et encore moins déchiqueté en morceaux par un monstre quelconque. Ainsi, l'entendant demander s'il ne serait pas mieux de ficeler le monstre grognant attablé à la même table que leur duo, elle s'empressa d'apporter ses arguments pour le dissuader. Oui, dans certains autres cas, à condition de savoir les secours proches, peut-être qu'elle n'aurait pas cherché à émettre son avis... Après tout, parler demandait de l'énergie, et il y avait beaucoup de gens dont elle se fichait éperdument du destin... Mais ce n'était pas le cas du Foxien.
Alors, quand la créature grognante à sa question pour chercher à alléger son mécontentement pointa du doigt le Foxien, lui ordonnant de la courtiser, la Seelie ne pu s'empêcher d'être inquiète. Non, elle ne voulait décemment pas perdre un ami ainsi, et elle ignorait tout à fait quelles étaient les chances de survie de Léandro à ce jeu... Ainsi, bien que celui-ci avait d'abord semblé bien rire face à la suggestion, en captant son air, il s'était bien vite calmé, ses mots trahissant qu'il s'était visiblement imaginé que c'était une blague... Une triste blague... Les monstres souffraient ils de la solitude ? On lui avait dit que malgré tout, ces créatures pouvaient avoir une conscience et des sentiments, mais étant donné que la fée de l'Erudition se fichait bien pour commencer des autres êtres vivants autour d'elle, elle n'avait pas nécessairement cherché à plus en savoir. Si cette créature souffrait de ne pas avoir de petit-ami, ne pouvait elle pas juste organiser des speed-datings dans le Fragmentum avec sa communauté ? Décidément, ces maudites choses manquaient d'organisation sociale...
Le plus triste, en réalité, furent les loopings misérables de son ami pour essayer de convaincre la monstre. Celle-ci était visiblement public facile, happé à ses fadaises, mais elle se contenta d'écouter non avoir l'impression d'entendre un pauvre adolescent maladroit courtiser son premier crush. Monstrueusement jolie ? Il commençait par l'apparence ? Pour un monstre ? Au moins, il appuyait sur l'effet qu'elle lui procurait avec sincérité... Mais c'était plus parce qu'il avait peur de finir en pâté que parce qu'il craignait qu'elle le rejette. Ne pouvait il pas éviter de parler de mains moites ? Rien qu'imaginer la sensation... Un frisson d'horreur avait parcouru le dos de la Seelie, frissons d'horreur qui devinrent légion quand son ami d'enfance sortit une pick-up line aussi bateau que ridiculement niaise. Probablement que ça ne toucherait que les personnes aux goûts discutables en question d'arts et de relations humaines... Comme cette pauvre âme égarée qu'était ce fils Apocalypse aux airs de petit chiot mouillé abandonné sous une averse amateur de romans de qualité discutable.
Vertin s'alignait tout à fait à la même idée que Léandro pour la suite : il était temps que les secours arrivent, elle ne pourrait pas entendre une réplique mièvre de plus sans avoir une réaction allergique. Et où étaient ces gens ? Elle n'en savait rien, et c'était bien là le soucie, puisque déjà, la créature du Fragmentum se relevait. Comptait elle s'échapper ? Comme ça, sans dire merci ?! Qui donc avait éduqué cette créature démoniaque qui n'avait même pas accès aux formules de politesse ?! Se levant de concert avec Léandro en réaction, son regard dériva en premier vers l'issue la plus proche, apercevant quelques képis, et le haut du crâne mécanique d’androïdes formés à l'affrontement des monstres du Fragmentum. Ainsi, il ne fallait calmer la créature encore que quelques minuscules minutes en attendant, que les gens s'en aillent discrètement pour de bon (pour les derniers restants)... Et la suggestion du Foxien semblait intelligente, bien qu'elle ignorait donc quel était son projet. Avec quoi voulait il impressionner une créature, qui, pour commencer, était elle-même magique ?
Difficile de deviner ce qui se tramait dans la tête du garçon-loup... Et elle avait beau être une fée à la mémoire absolue, ça ne lui permettait que rarement d'anticiper autant de choses qu'elle aimerait. Pourtant, comme s'il semblait évident qu'elle était l'assistante magicienne du Foxien, la monstre avait rendu son attention à son interlocuteur, se rendant à nouveau compte de sa présence à elle aussi, pour demander : "Dans ce cas... La fille doit aussi participer au tour de magie." Merveilleux. Et elle devait faire quoi au juste : faire sortir un lapin de sa veste ? Faire apparaître un bouquet de fleurs ? Si elle avait eu une meilleure maîtrise de sa magie, le tour le plus remarquable qu'elle aurait pu faire aurait probablement plus été de l'ordre de faire court-circuiter tous les appareils électroniques autour... Malheureusement, sa maîtrise n'était que médiocre, et pas celle d'une maîtresse de la magie électrique. "L'escadron est à l'autre bout, j'espère que tu as une bonne idée, cher ami..." chuchota t-elle, un brin tendue. Parce que sinon, il y aurait bien à prendre le risque de finir en pâté. Et la créature face à eux n'était pas pour aucune raison classée comme de la plus haute dangerosité parmi les monstres communs du Fragmentum... Les personnes sans magie mourraient quasi systématiquement si un affrontement était engagé, et pour les autres, ce n'était guère mieux s'il n'y avait pas des années d'expérience en combat derrière. Vertin savait se battre, mais pas assez pour songer à seulement courir le risque d'estimer sa puissance face à une adversaire mortelle comme celle-ci. Pour commencer, elle n'était même pas capable de vaincre Ariane sans tricher, alors que celle-ci avait son âge, et juste le fait d'être une Valkyrie en avantage... Alors ce type de créature...
Fronçant les sourcils, elle jeta un regard suspicieux à son ami près d'elle : "J'espère que tu ne comptes pas me demander de faire croire que je peux te transformer en loup..." Ou qu'il s'agisse d'un tour de magie lié aux éléments : ça ne surprendrait pas du tout leur public. Quant à des tours de magie à base de cartes, comme les enfants... Peut-être qu'au fond, c'était un pari moins risqué. Mais comment pourrait elle participer ? Avait il seulement du matériel pour faire le moindre tour ? S'il fallait vraiment faire croire qu'elle allait le changer en animal... "Je peux réaliser un tour pour que tous tes cheveux s'hérissent sur ton crâne, mais je sais pas si ça sera assez divertissant pour madame..," ajouta t-elle nonchalamment à voix haute, pour inclure la monstre dans la discussion. C'était drôle pour les enfants, mais pour les autres, ce n'était pas bien intéressant... Ah, la magie électrique n'était définitivement pas la meilleure pour les contacts sociaux...